Lieutenant André Baude Né en 1917 et mort en 1944

Membre du réseau de résistance B.O.A.

Événements marquants de la brève existence du lieutenant André Baude né à Leubringhen (Pas-de-Calais, commune de 200 habitants), à 9 heures, le 6 janvier 1917.

Issu d’une famille modeste, son père, maréchal-ferrant, et sa mère, ménagère, il était le sixième enfant d’une famille de sept garçons, mais déjà la Providence ne veillait plus sur son berceau. Sa mère mourait en mettant au monde son frère, il n’avait que deux ans et son père la suivait sept ans plus tard. En 1926, à l’âge de neuf ans, il se retrouve seul.

Placé chez une tante, puis chez une autre pendant quelques années, il fut confié à l’Assistance publique à l’âge de douze ans, pour être placé par la DDASS, dans une famille d’accueil à Rétry, dans le canton de Marquise (Pas-de-Calais). Cette dernière devait assurer son éducation et lui faire apprendre un métier…

Il passa avec brio son certificat d’études primaires et fut reçu premier du canton, embauché à quatorze ans aux Usines Métal-lurgiques de Marquise comme apprenti mouleur, il obtenait son CAP à dix-sept ans avec mention très bien, premier de sa promotion.

A dix-huit ans, il est renvoyé de l’usine pour avoir fait un pot de feu sans en avoir demandé l’autorisation pour une vieille tante qui l’avait recueilli.

Sans travail, il s’engage dans l’armée de terre au 150e régiment d’infanterie à Verdun. Il suit les pelotons et devient sergent infirmier-brancardier et est également classé tireur d’élite.

Il habite dans la  » cité cadres  » de la caserne et revient en permission dans sa famille à Wissant, où il rencontre Marguerite Falempin. Ils se marient à Wissant le 23 avril 1938. Il a vingt et un ans, elle en a vingt ; en sept ans de vie commune, ils ne seront ensemble que neuf mois.

De cette union naîtront deux enfants, Anne à Verdun, le 25 mai 1939 et Norbert à Wissant, le 6 août 1942.

Leur bonheur est de courte durée. En 1939, la guerre est déclarée. Sur le front, le 20 mai 1940, le sergent infirmier André Baude après avoir mis à l’abri l’officier, grièvement blessé, qui commandait sa section, ne pouvant plus assumer ses fonctions, celui-ci lui donna l’ordre :  » Sergent Baude, je vous en sens capable, sonnez la retraite et rendez les armes à l’ennemi. ” Se sentant encore en force, il prend le fusil et avec une poignée d’hommes, il réussit à reprendre un pont aux Allemands. Ce qui lui vaudra une citation élogieuse à l’ordre de la brigade, ainsi que la croix de guerre le 22 décembre 1941, mais submergés par l’ennemi, ils doivent se rendre.

Il est prisonnier en Autriche dans un camp de concentration où la discipline était très dure ; tout prisonnier s’approchant à 3 mètres des barbelés était abattu sur-le-champ sans sommation.

Libéré après onze mois de détention, il est rapatrié pour son appartenance au service sanitaire par le gouvernement de Vichy, mais affecté comme gestionnaire des salles civiles au sanatorium de Franconville. Malade et souffrant de dysenterie, on lui octroie quelques semaines de repos dans sa famille à Wissant. Mais sachant ce qui se passe dans les camps, pour l’avoir vécu, il ne veut pas en rester là. Il contacte les organisations clandestines sur Calais. Avec l’aide de Mlle Alice Lamey, infirmière de la Croix-Rouge en 1914-1918 et résistante dès 1940. Il entre dans le réseau Jean de Vienne qui deviendra BOA-Nord (Bureau des Opérations Aériennes).

La tante d’Alice Lamey, Mme Paule Crampel, artiste peintre à Wissant, dessinera à l’encre de Chine le modèle de la carte du  » Mémorial de la journée du Monument des Quatre-Chênes, à Domont « , imprimé en 1945 et offert aux familles des victimes.

Il est spécialiste du balisage des terrains pour récupérer matériel, armes, munitions, faux papiers, ainsi que les agents de renseignements parachutés par les Alliés et les pilotes tombés dans les lignes ennemies. Cela lui vaudra un diplôme de reconnaissance des Etats-Unis, signé de la propre main du général Dwight D. Eisenhower.

Sa femme et ses deux enfants restent à Wissant chez leur grand-mère. Elle doit travailler aux cuisines allemandes pour survivre mais surtout pour se faire oublier, car elle est surveillée et souvent questionnée par les officiers allemands. Lui, prend ses fonctions à l’hôpital Begin. Ce qui lui donne une couverture et lui permet de poursuivre ses activités dans la Résistance. Son nom est gravé sur une plaque au musée de la Résistance situé dans le parc municipal à Calais.

Le 1er juin 1944, il est affecté au BOA de Seine-et-Oise et se trouve en relation avec le colonel André Rondenay et le colonel Alain Grout de Beaufort du BCRA (Bureau Central de Renseigne-ments et d’Actions) qui regroupe tous les réseaux de Résistance du Nord de la France, soit six régions militaires sous les ordres du général Jacques Chaban Delmas.

Sur dénonciation, il est arrêté par la Gestapo à l’aube, le 4 août 1944. Il est interrogé pendant deux jours avant d’être interné à la prison de Fresnes du 6 août au 15 août 1944.

Les Alliés progressent sur Paris, les Allemands ordonnent de vider toutes les prisons. Les détenus sont parqués à la gare de Pantin  » quai aux Bestiaux  » pour être évacués vers les camps en Allemagne. Ils sont environ 2 000 ; il est midi, lorsqu’un commando de la Gestapo, composé de cinq criminels de guerre, fait irruption et réussit à identifier cinq résistants notoires : le colonel André Rondenay, le colonel Alain Grout de Beaufort, le lieutenant André Baude, Louis Lerouge, Roger Claie.

Entassés entre les banquettes d’une traction avant, ils sont amenés à la Clairière des  » Quatre-Chênes  » à Domont pour être exécutés sur-le-champ, les corps sont laissés sur place. L’enquête déterminera que l’heure du décès a eu lieu à 14 heures. Ils seront repris parmi les victimes de la Libération de Paris.

Un détachement américain fera un détour par Domont ordonnant l’exhumation du corps d’André Baude placé dans un caveau d’attente, son examen servant de preuves à charge contre ses bourreaux nazis.

A Saint-Martin-du-Tertre, lors de la séance du 15 novembre 1944, le Comité local de libération nationale est convoqué à siéger sous la présidence de M. Parenthoën, maire. M. Guillemin demande au conseil que le nom du sergent Baude soit donné à la rue de la Forêt où il avait son domicile. Le conseil admet cette suggestion à l’unanimité et demande à M. le Maire de bien vouloir faire le nécessaire.

De Domont, le corps du lieutenant FFI André Baude est inhumé à Saint-Martin-du-Tertre le 7 janvier 1945. Un article de la Voix du Nord, édition de Calais du mercredi 31 janvier 1945, relate ses obsèques militaires et religieuses. Sa femme ne sera officiellement avertie de son décès, par lettre recommandée avec accusé de réception, que le 18 mai 1946. L’acte de décès porte le no 524 724.

Reconnu  » Mort pour la France  » le 5 juin 1945, le grade de lieutenant FFI est validé par le bureau FFCI, mention portée à l’état civil de Domont, le 7 janvier 1946. La mairie de Leubringhen enregistre le décès avec la mention  » Mort pour la France  » le 26 octobre 1946. Elle oublie de faire graver son nom sur le monument aux Morts et refuse de le faire soixante ans après (le nom de Baude devant rappeler de mauvais souvenirs).

En 1950, son corps est rapatrié à Wissant dans sa famille, ses enfants se souviennent encore de l’émouvante cérémonie militaire et religieuse se situant sur une période allant du 9 mars au 21 avril 1950, selon le registre de la paroisse, seule trace officielle du service religieux.

En 1961, le Gouvernement lui décerne à titre posthume la croix de Chevalier de la Légion d’honneur, une seconde croix de guerre avec palme d’or, ainsi que la médaille de la Résistance avec les diplômes correspondants.

Dès la Libération, son nom figure sur le monument aux Morts de Wissant et le dimanche 30 juin 1963, la municipalité inaugure la rue du Lieutenant-André-Baude qui passe devant les écoles, afin que les enfants se souviennent du  » Lieutenant Serge  » son pseudonyme dans la Résistance. La Voix du Nord du 2 juillet 1963 relate l’événement.

Un hommage lui sera rendu lors de la Journée nationale des Déportés en 1990. Un article paraîtra dans la Voix du Nord. Le même journal paru le jeudi 18 novembre 2004 rappellera qu’à Leubringhen où il est né, il y a 88 ans, il n’aura pas été tout à fait oublié ce 11 novembre 2004 à l’appel des  » Morts pour la France « .

Sa femme décède, le 18 mai 1993 à Ambleteuse, à l’âge de 75 ans. Bien que décédé à 27 ans, André Baude laisse après lui deux enfants, cinq petits-enfants et quatorze arrière-petits-enfants qui se posent toujours des questions, mais sont fiers de porter son nom.

Rinxent
le 22 février 2005.

Son fils, Norbert Baude

Une Saint-Martinoise, ayant connu le lieutenant Baude, raconte
Propos recuillis par Pier-Carlo Businelli

« Je me rendais à mon travail, ce 4 août 1944, il était environ 8 heures du matin. Une traction noire était stationnée à hauteur du 21 rue de la Forêt, et deux hommes, avec de grands manteaux noirs de la Gestapo, maintenaient le lieutenant Baude en le poussant dans ce véhicule. Ce qui m’a marquée, c’est qu’il avait encore sur une partie du visage de la mousse à raser. « 

Bouffémont

le 11 mars 2005.

« Monsieur,En ce qui concerne le lieutenant Baude vous aurez tous les renseignements par son fils.Ce que je vous donne ici est le fruit de longues recherches, j’en ai parlé à quelques personnes mais n’ai jamais été publié.Le sieur « X », nom de résistant  » Petit Breton  » était ami, de longue date, du lieutenant Baude et son supérieur au Bureau des Opérations Aériennes de l’Oise. « X » a été pris et retourné par la Gestapo, au début de 1944, et il est à l’origine du démantèlement du B.O.A. de l’Oise et de l’arrestation et de la mort du colonel Rondenay, du lieutenant-colonel Grout de Beaufort, tous deux officiers des Forces Françaises Libres et du lieutenant Baude.Le sieur « X » a été abattu, le 5 août 1944, dans la forêt de Domont par ordre de la Résistance.Espérant vous avoir été utile, recevez, Monsieur l’expression de ma considération. »

Pierre BAUDET
Président du Comité de Domont et des Environs,

membre du Comité directeur du Val-d’Oise.