Le sculpteur Jules Moigniez Né le 28 mai 1835 et mort le 29 mai 1894
Hormis les nains de jardin, rares sont les sculptures populaires aujourd’hui. C’est presque dans l’indifférence générale qu’au mois d’octobre dernier, la dernière fonderie parisienne fermait ses portes dans une ville qui en avait compté jusqu’à trois cent. Jules Moigniez, l’un des sculpteurs les plus renommé du XIXe siècle qui habitait dans le Val d’Oise à Saint-Martin-du-Tertre en dirigeait une.
Cet artiste répertorié dans le dictionnaire des sculpteurs , est né à Senlis le 29 mai 1835, fils de Baptiste Constant Moigniez, tôlier puis doreur sur métaux, et de Julie Cuvinot.
 l’âge de vingt ans, il expose pour la première fois ses sculptures, et obtient une mention honorable à l’exposition universelle de 1878. Il participe aux Salons jusqu’en 1892 où il présente un plâtre « Chevreuil au trot ». Élève du sculpteur Comolera, ses créations essentiellement décoratives lui amènent la faveur du public. Certains lui reprochent parfois un excès de détails dû à une ciselure trop fine qui est rachetée par une certaine élégance des attitudes. Comme son maître qui fut un élève de Rude, il affectionne particulièrement les volatiles, aigrettes, faisans, hérons, moineaux et coqs, mais aussi d’autres animaux, chiens, chevaux, moutons et bovins.
Vers 1850, son père ouvre une fonderie rue Charlot pour éditer ses œuvres. Les bronzes qu’il commercialise sont réputés pour la finesse de leur fonte et la qualité des patines dont certaines dorées qui sont très originales. En 1860, son fils en prend la direction, mais tombe malade dix ans plus tard et ne produira plus de nouveaux modèles. L’usine est alors transférée 124 rue Vieille du Temple sous la direction de François Diecht, et en 1890, Auguste Gouge qui en devient propriétaire. Il poursuit l’édition des bronzes de Moigniez jusqu’en 1920.
La vie à Saint-Martin-du-Tertre
Dès 1861, ses parents figurent sur les feuilles de recensement de la population de Saint-Martin-du-Tertre. En 1868, ils achètent la maison rue des Genêts, rebaptisée aujourd’hui Roger Salengro . La famille est bien intégrée dans la commune, le maire est un ami de la famille et Jules est membre honoraire de la fanfare. Son père s’éteint le 29 janvier 1888 et sa mère le 21 janvier1892 laissant pour seul héritier son fils Jules.
Derrière sa maison, à côté du poulailler se trouve un hangar et son atelier d’artiste. L’ameublement est composé de tables sur tréteaux, d’un vieux canapé à côté d’une vieille armoire, un étau, un chevalet, un poêle en fonte, deux sièges, une vieille table, des ébauches en cire et en plâtre et d’autres maquettes.
Depuis 1869, sa santé n’est pas brillante et sa situation financière non plus. Il semble très affecté par la disparition de sa mère, et se retrouve seul dans cette grande maison. Adèle, une veuve dont il est épris réside à Paris, où elle exerce le métier de blanchisseuse.
Un an après le décès de sa mère, il rédige ses dernières volontés en faveur de son amie, Adèle Sauvé, veuve de Jean -Baptiste Cocquart.
Le 29 mai 1894, cinq mois après la rédaction de son testament, âgé de 59 ans, il met fin à ses jours en se tirant une balle de revolver dans la tête.
Son testament comprend trois lettres rédigées sur une feuille de papier quadrillé.
Dans la première, il lègue tous ses biens à Adèle Cocquart, et termine par ses mots « A toi ma Delle chérie ma dernière pensée ».
La seconde est une recommandation auprès du greffier de Luzarches M. Camus, qu’il semble bien connaître « un excellent homme qui avait certaine estime pour moi ». Il lui lègue les deux perdrix en bronze qui sont sur la cheminée en espérant qu’il puisse aider son amie dans les événements à venir.
Dans la troisième feuille, il demande à n’avoir aucun parent à son enterrement qu’il exige le plus simple possible et de la dernière classe : «Puisque je me tue parce que je n’ai pas le sou ce n’est pas l’occasion pour en dépenser aussi inutilement que dans un enterrement ».
Il demande à Adèle de rencontrer le maire, Ernest Nicolas Baldé, un vieil ami de la famille, pour faire légaliser sa signature et qu’il remercie par une dernière poignée de main.
L’inventaire dressé le 4 août 1894, par son ami Joseph Camus dévoile en partie la personnalité de cet artiste. Il ne semble pas très sensible aux honneurs, les six médailles de bronze et d’argent reçues dans diverses expositions, sont remisées dans une annexe qui sert de débarras et de poulailler. Il mène une vie campagnarde, sept poules garnissent son poulailler et les deux fusils et la carabine témoignent de sa passion pour la chasse. Une tête de cerf et un cor ornent le salon. L’estimation du mobilier évaluée à 2744 F., révèle un intérieur confortable, sans être luxueux. Dans la salle à manger, les objets d’art sont quatre médaillons en plâtre (20F), quatre terres cuites avec leur cadre (6F), Une pendule avec sujet marbre et bronze (40F), deux coupes de marbre et bronze (30F), deux chandeliers en bronze (15F). Dans le salon, une pendule en marbre noir avec un coq faisan (150F), deux coupes larges en bronze et marbre (80F). Dans la chambre éclairée sur la rue, une pendule et deux coupes en marbre et bronze (90F), un bronze et son socle (60F) et un plâtre estimé (1F). Dans la chambre contiguë, une pendule en marbre à sujet, deux appliques en cuivre doré avec cylindre et deux chandeliers (140F), un coffret à bijoux en bronze doré (60F), quatre petits bronzes (12F), un christ en bronze et un autre en plâtre (4F) et deux médaillons religieux en bronze prisés (8F). Sa montre en or avec sa chaîne sont estimées 100 F et sa bague avec une épingle de cravate 80F.
Les 350 F. en espèces qui sont dans le secrétaire sont immédiatement réclamées par Adèle, qui déclare que cette somme était due à l’un de ses fils
Au moment du décès, M Gouge, marchand de bronzes et d’objets d’art doit 100 F au sculpteur mais ses dettes sont importantes. Les frais d’inhumations se montent à 107 F. dont 60 F. pour le menuisier, 40 F. pour le curé et 7 F pour les rafraîchissements de ses compagnons de la fanfare le jour des obsèques. Le passif qui s’élève à la somme de 557 F, comprend les journées de son jardinier et diverses factures à plusieurs commerçants et artisans. La plus forte créance de 67,90 F. concerne le jardinier, 59 F. sont dus au docteur Darenne et 27,75 F. au distillateur de Beaumont-sur-Oise. Le 1er novembre 1894, Angèle fait dresser le cahier des charges pour l’adjudication de la maison. La mise à prix de 6000 F. n’est pas atteinte, et la vente reportée un an plus tard se solde aussi par un échec.
Angèle, qui a emprunté une somme d’argent au maire de Bellefontaine est contrainte d’hypothéquer cette maison qui sera finalement vendue en 1896.
Son oeuvre
Les sculptures de Jules Moigniez , étaient de son vivant commercialisées en France et à l’étranger. En 1862, il remportait une médaille au Salon de Londres et vendait la moitié de sa production aux États-Unis. De nos jours, cet artiste est injustement méconnu hormis les collectionneurs privés, familiers des salles de vente ou ses bronzes peuvent parfois atteindre des sommes très élevées. Ainsi une pièce exceptionnelle, « Une chasse au sanglier » est estimée 6000 € à Drouot en 2005. Le comble pour un sculpteur mort dans la misère. Outre Atlantique, sa renommée demeure, des fonderies continuent à reproduire des bronzes sous sa signature, en particulier un aigle composé en 22 parties. Cette sculpture d’une envergure de près de 2 mètres est vendue 2600 dollars.
Cependant, dans les étals des nombreuses foires à la brocante qui animent nos villes et villages, on voit apparaître depuis peu de nombreuses sculptures en bronze. Elles sont signées par les plus grands sculpteurs du XIX siècle, Mène Moigniez etc… Le prix est variable en raison des dimensions, et du poids, mais sans comparaison avec les œuvres proposées en salle de vente autour de 500 euros. Certaines pièces sont de très belle facture, mais nous n’avons pu savoir leur provenance. Les sites de vente sur Internet proposent également de nombreuses sculptures de Moigniez anciennes et récentes. Cette commercialisation va peut-être relancer une mode qui a disparue aujourd’hui.
Les musées de Compiègne et de Mont-de-Marsan conservent chacun, une sculpture de Jules Moigniez.